C'est (sans aucune doute) un neurasthenique vésanique.
C'est (sans aucune doute) un neurasthenique vésanique. La neurasthénie vulgaire, ou les influences qui la produirent tombant sur un fonds de dégénérescence a, pour ainsi dire, bouleversé une organization mentale characteristiquement hysteriforme, pour ne pas dire hysterique. Sur ce diagnostique, je ne me trouve pas en doute. Ce que je voudrais faire, c'est l'histoire de la maladie de P[essoa], ou, pour mieux dire, l’histoire (...) - je voudrais en connaître la psychologie, savoir de quelle manière, par quels conduits la neurasthénie actuelle s'est enracinée dans ce pauvre temperament nativement hyposthénique.
Or pour cette «histoire d'une vie» ou «histoire d'une âme» les donnés me manquent. Je connais, dans les limites du possible, la vie mentale de P[essoa] jusqu'à 1895 (décembre), époque à laquelle il est allé (agé à peine de 7 ans) à D'Urban. Elle n'est pas absolument normale. À cette âge il y a déjá chez l'observé une espèce de neurasthenabilité marquée: à 7 ans - c'est déjá -quoique obscurement - un peridyspéptique, un (...). Plus, à 7 ans P[essoa] montre déjá ce caractère réservé, non-infantile - une pondération (non la pondération du bon-sens tout à fait bourgeois, mais la pondération melancolique et intellectuelle), une seriosité, qui étonnent. Il s'isole déjà; il aime à jouer seul, à lire, à écrire (il l'a appris lui-même). C’est un solitaire - on le voit bien. Et à tout cela il faut joindre beaucoup de rage impulsive et presqu'haineuse (sans provocation pas toujours proportionelle) et beaucoup de peur. On peut résumer le caractère: précocité intellectuelle, imagination prématurément intense, méchanceté, peur, besoin d'isolement. C'est un neuropathe em miniature.
Probablement il aura ainsi continué pour quelque temps. En 1901 (août) il revint de D'Urban. C'est le même caractère, mais moins impulsif: le climat (je conjecture) et la discipline scolaire l'auraient inhibitionnés. À cette époque il présente un caractère pas trop complexe: intelligence vive, imagination grande mais pas necessairement intense; un peu enfantile (...) pas de peur accentuée - c'est à dire, sans claire provocation extérieure il ne la montre pas. C'est encore normal, physiologique. Du reste, timidité, ingénuité, égoisme un peu marqué - mais le tout normal. Ce n'est pas encore l'aube de la puberté. Ayant vécu dans un pays (le Natal) loin de l'influence corruptrice de la civilization, il n'a pas de depucellage mental; à cette époque il garde mentalement (à ce que je crois) une virginité d'imagination parfaite. II n'y a pas, d'ailleurs, moyen sur d'investigation.
II est resté à Lisbonne de Août 1901 jusqu'à Sept[embre] 1902; il faut donc qu'il ait subi tant soit peu l'influence de la sensualité urbaine et immoralement corruptrice.
Mais il m'a été entièrement impossible de trouver un moyen quelconque de découvrir (...)
Pessoa por Conhecer - Textos para um Novo Mapa . Teresa Rita Lopes. Lisboa: Estampa, 1990.
- 24.1ª publ. in Os Dois Exílios - Fernando Pessoa na África do Sul . H. D. Jennings. Porto: Centro de Estudos Pessoanos, 1984.